L'utilisation des navires comme sorte de station d'observation et de relevé climatique ne date pas d'hier. En effet, une grande partie des connaissances sur le climat mondiale trouvent leurs origines des données récoltées par les navires au cours des XVIIIe et XIXe siècle. Ces navires étaient également le seul moyen de détecter les cyclones à l'époque ou les satellites n'existaient pas.
Le cyclone de Février 1860 est un cas remarquable dans l'histoire maritime du sud-ouest de l'océan indien. La chronologie et les faits de cet épisode cyclonique ont été décrits par Hilaire Bridet (lieutenant de vaisseau à la Réunion) dans une étude publiée en 1861, et qui avait pour objectif la description des manoeuvres à effectuer pour s'éloigner des cyclones afin d'éviter les graves avaries pouvant être occasionnées. Des relevés de pression atmosphérique, de direction et force du vent effectués par différents bâtiments entre le 25 et le 28 février sont répertoriés avec précision dans cette étude, ce qui permet d'avoir une certaine idée de la trajectoire et de l'intensité du phénomène.
Etude sur les ouragans de l'hémisphère austral de H. Bridet - 1861 (gallica.bnf.fr)
L'histoire du Saint Vincent de Paul, pris dans le coeur du météore et qui a retenu notre attention, constitue une véritable mine d'information sur le cyclone de 1860. Après avoir quitté le port de Saint-Denis de la Réunion le 23 février 1860, le navire commença à ressentir les premiers effets du phénomène 48h après, alors qu'il faisait cap vers le nord-ouest. L'équipage décide alors de fuir le cyclone en bifurquant vers le sud-ouest. Hélas, cette manoeuvre ne changea rien à la situation puisque le 26, le bateau est pris dans de violentes conditions météorologiques. A cet instant, le mercure affichait 712 mm, ce qui correspond à une pression d'environ 949 hPa! Le 27, les rafales sont décrites comme étant terribles et la pression avait chuté à 709 mm (945 hPa) à 1h du matin. Après avoir semble t-il pris de vitesse le cyclone en cours de journée, celui-ci dépasse le navire qui est alors de nouveau impacté par des vent d'une violence inouïe selon la description qui en est faite. Le 28 à 9h du matin, le bâtiment est dans un état horrible. Dès lors, étant donné la situation, la perte était certaine alors que la pression indiquait que le navire était toujours dans le coeur du système. Le 29 à 2h du matin, le bateau arrivant près des côtes orientales de Madagascar se brisa en deux, s'en était fini du Saint Vincent de Paul. L'ensemble des membres de l'équipage réussit à gagner la côte sauf trois, probablement emportés par les lames d'eaux qui balayaient le pont selon le récit. Outre le Saint Vincent de Paul, ce météore fut fatal à plusieurs autres navires, qui sombrèrent corps et biens balayés par le cyclone.
Carte détaillant le mouvement des différents navires entre le 25 et 28 février 1860 et la trajectoire supposée du cyclone - H. Bridet (gallica.bnf.fr)
Depuis le début du siècle dernier, les prévisions météorologiques maritimes ont amélioré la sécurité des expéditions, après que les nouveaux systèmes de communication ont permis aux navigateurs de transmettre les observations météorologiques. De nos jours, d'autres moyens techniques tels que les bouées dérivantes et surtout les satellites, sont venus compléter l'observation faite par les navires. Rendons hommage à tous ces bâtiments qui depuis des siècles ont permis par ces relevées météorologiques, d'en apprendre plus et parfois à leurs propres périls comme cela fut malheureusement le cas pour le Saint Vincent de Paul.
PR
- Source : BOM / OMM / Etude sur les ouragans australs - H. BIDET - 1861
- Image d'illustration : Jan Porcellis - Oil on canvas, 1614-1618