Cyclone Firinga : une expérience cyclonique intense

1. "J'avais 9 ans et 4 mois" !
2. "La vie des réunionnais est en danger, il ne faut plus sortir"
3. "Je lis et devine l’angoisse de mes parents"
4. "L’antenne TV était arrachée et il n’y avait plus d’eau au robinet"
5. "Pour ma part, Firinga n’a pas été un simple cyclone"

À la genèse de Firinga, mes 9 ans ont sonné depuis 4 mois ! Je me souviens timidement de Clotilda qui avait impacté La Réunion deux ans auparavant. J’étais à peine conscient de ce que pouvait être un Cyclone ! Et, je n’avais que quelques mois d’existence lorsque Hyacinthe a ravagé notre île après être passé 3 fois au plus près de La Réunion. Ma Maman et mes Grands-Parents m'avaient parlé de ce phénomène, en disant de lui que c’était un Cyclone d’eau !

Le Cyclone Firinga est ma toute première expérience cyclonique ! 34 ans ont sonné depuis son passage le 29 Janvier 2023. C’est un système que Météo France qualifie de "Cyclone d'École", cyclogenèse au milieu du bassin, trajectoire parabolique et pic d’intensité cinq jours après sa naissance au stade de cyclone tropical.

Vers les 25 et 26 janvier, ce n’est qu’une faible tempête qui se trouve loin de chez nous à plus de 1000 km de distance. D’abord elle file vers le Sud, puis, tourne en direction du Sud-Ouest. Le vendredi 27, elle prend du galon en termes d’intensité tout en se déplaçant vers l’Ouest-Sud-Ouest, ce qui le rapproche de Maurice et La Réunion. Nous commençons en famille à évoquer ce système, qui pourrait peut-être perturber le week-end.

Samedi 28 Janvier, nous lisons au matin  dans le Journal de l’Île de La Réunion : «  Firinga, La Menace ! ».  Il adopte la même trajectoire que le cyclone de 1948. À 8h, le préfet Jean Anciaux, décide de déclencher l'alerte 1 qui est la première phase d'alerte de l'ancien plan ORSEC. Firinga n'est plus qu'à 560 km au Nord-Est de La Réunion. Et dans l’après-midi, le voilà devenu un Cyclone Tropical alors qu'il continue de se diriger vers Maurice. 

Le grand paradoxe de cette journée de samedi, c'est que le soleil brille sans un nuage sur l'île. Mais il ne faut surtout pas se fier à ce répit que nous offre la nature, car les heures qui viennent vont s'avérer tragiques... Le Préfet intervient dans Le JT du soir de R.F.O (ex Réunion La 1ère), avec cette phrase solennelle : "La vie des réunionnais est en danger, il ne faut plus sortir" ! J’ai a jamais été marqué du sceau de cette affirmation d’un homme compétent et d’expérience dont nous pouvions lire l’anxiété sur le visage à travers le journal télévisé. 

A 21h00, les évènements s'enchaînent, Firinga poursuit sa course vers le Sud-Ouest, ce qui va l'emmener à proximité immédiate de notre île dans les prochaines 12h. Le préfet déclenche alors l'alerte n°2. Il ne reste plus que 400 petits kilomètres entre le météore et nos côtes. Les météorologues annoncent que les vents moyens sont de l'ordre de 100-110 km/h, avec des rafales de 150-160 km/h en mer. Le relief accidenté de La Réunion accentuera ces valeurs !

Dans la nuit de samedi à dimanche, Firinga passe à une cinquantaine de kilomètres au Nord de l'île Maurice. Et le dimanche 29 Janvier, La Réunion se réveille en alerte maximale, puisque l'alerte n°3 avait été déclenchée à 4h.

Le vent s’est levé et souffle désormais en rafale et par intermittence. Je suis fasciné de voir sur la terrasse comment le vent en un dixième de seconde chasse la pluie. Par la suite, ce sont des rideaux d’averse qui s’abattent sur St Pierre. Je vois stupéfait la pluie poussée par les rafales et tout à coup la voix de Maman qui dit : rentre ! Nous  mettons sur les fenêtres les panneaux anticycloniques ! Le plafond du ciel s’est abaissé, et le vent joue au loup ! Il est 09h00.

A partir de cette heure, je lis et devine l’angoisse de mes parents car le vent s’est encore renforcé. Je vais zieuter sur la terrasse même si Maman me l’avait interdit. Je vois les nuages poussés par le vent et si bas, j’avais l’impression de pouvoir les attraper si je le voulais ! Et c’est une nouvelle salve qui surgit, les éléments se déchaînent davantage, nous nous barricadons dans le salon ! Maman s’exclame : « ça y est,  il est là ! Papa, un Métro, me donne l’impression de vivre son premier vrai cyclone, alors qu’il est à La Réunion depuis décembre 1976. 

Nous sommes blottis tous les quatre l’un contre l’autre. Les bourrasques s’enchaînent à la seconde et saccadent de plus en plus ! Soudain, c’est la rupture ! L’une des fenêtres de chambres se situant Est-Ouest, cède, la pression a été trop forte ! Nous voici béant ouvert sur l’extérieur ! Le vent et la pluie s'engouffrent dans la maison ! C’est la porte fenêtre de ma chambre qui a lâché ! 

Natif de Saint-Pierre, du haut de mes 9 ans, je constate à l’extérieur que le ciel s’est assombrit, la pluie est drue et tombe  en saccade ! Le vent souffle. La porte de ma chambre ayant cédé, papa décide de la bloquer avec mon lit. Nous ajoutons toutes sortes de poids afin que le vent ne le déplace pas.  

Sous le garage, la porte a été aspirée, papa dégringole les escaliers, il craint également pour la voiture ! Elle a été poussée dans la rue alors qu’une vitesse était enclenchée. Je tiens à dire que mon Père était mécano dans un garage, c’est comme s’il avait prévu le coup ! 

Je le vois sortir dans la furie des éléments météorologiques pour ramener la voiture sous le garage. Maman dehors aide Papa en ramenant une pierre artificielle pour caler une des roues de la voiture, afin qu’elle ne ripe plus le carrelage du garage. En fait, le véhicule avait été poussé de l’intérieur par la force du vent qui s’est engouffré dans toute la maison, à travers la porte fenêtre de ma chambre qui avait cédé ! 

De mes yeux vus, le parpaing a été arraché des mains de ma mère.  À cette vue, je crie : Maman ! Elle revient vers Papa, la maison est sécurisée grâce à leur détermination. Puis, mes parents, mon frère et moi, rejoignons le salon pendant que les éléments de la nature commençaient à vouloir se calmer.

Le quartier de La Ravine-Blanche a été malmené par les bourrasques de pluie de tempête. Le hululement du vent a fini par avoir raison des plus vieux arbres du quartier que j’ai toujours connu. Des mastodontes sont déracinés, la pluie ruisselle et rend les sols détrempés si bien qu’une petite brise pourrait déraciner n’importe quels « pied de bois ». Les tôles jonchent le sol poussées par le vent raisonnant d’un cri strident ! Nous ne nous sommes pas rendu compte pendant ce laps de temps que l’électricité avait sauté. L’antenne TV était arrachée et il n’y avait plus d’eau au robinet !

L’œil de Firinga a traversé La Réunion durant la mi journée. En début d'après-midi, il se trouve à proximité Ouest de la Pointe des Galets (Le Port), dit-on à la radio qui fonctionne désormais avec des piles. Mais le relais Sud RFO sera arraché peu après.

Vers 15h00, le vent baisse, la pluie s’estompe pour devenir « farine de pluie ». Quelques rares rafales soufflent parfois et le vent tourne ! C’est une nuit à la bougie qui débute pour une durée de 15 jours ! 

EN SAVOIR PLUS

Lundi 30 Janvier 1989. Dans la rue tout est dévasté, les infrastructures routières, les feux de circulations sont par terre, des arbres centenaires déracinés avec toute leur racines exposées à « l’air libre », c’est incommensurable ! Avec mon Père et la levée de l’alerte n°3, nous décidons d’aller sur le Boulevard Hubert de Lisle. L’océan était monté ! Impossible de pratiquer cet axe routier ; il y avait du sable partout et des barrières avaient été posées. L’eau du robinet est revenue au bout d’un mois. Nous avons été alimentés par camion-citerne quartier par quartier à St Pierre. 

Firinga était un « cyclone d'école » dit-on ! Saurions-nous à notre époque parer à cette éventualité ? Pour ma part, Firinga n’a pas été un simple cyclone, il serait de nos jours un cyclone intense dont nous pouvons nous poser la question : « pourrions-nous en réchapper et subsister avec toutes les nouvelles infrastructures ? Elles n’ont jamais encore été réellement éprouvées ! 

Tirons les leçons que Dame Nature nous donne… d’existence en existence ! 

ZoreolMia

Selon Météo-France des vents destructeurs de l'ordre de 240 km/h de secteur Sud à Sud-Est ont impacté le Sud de l'île. Par la suite, avec la bascule au moment de l'éloignement du système, des vents de Nord à Nord-Ouest d'environ 200 km/h ont affecté le Nord et l’Ouest. Des pluies diluviennes ont affecté les hauts du Sud et l'intérieur de l'île.

• Stations de Saint-Pierre : 216 km/h (limite mesurable avec les instruments de l’époque)
• Station Plaine-des-Cafres : 216 km/h (limite mesurable avec les instruments de l’époque)
• Station Gillot : 176 km/h à Saint-Denis/Gillot
• Pression minimale : 962 hPa au Port
• Précipitations en 24h au Gîte de Bellecombe : 1309 mm
• Précipitations en 24h à Casabois (cirque de Salazie) 1227 mm
• Précipitations en 24h à la Crête (Sud de l’île) 1030 mm à la Crête (Sud de l’île)
• 4 morts
• Réseau routier fortement endommagé
• Nombreux dégâts sur les habitations notamment dans le Sud
• Arbres fruitiers arrachés, pertes estimées à 50 % pour la vanille, cultures maraîchères anéanties.

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