Un événement rare mais pas impossible
Le 15 janvier 2024, l’île de La Réunion se retrouve dans l'œil du cyclone Belal. Depuis 1960, le nombre de fois où cette situation s’est présentée se compte sur les doigts d’une main. C’est dire le caractère rarissime de l’événement météorologique observé par les réunionnais à l'occasion de ce cyclone.
- Janvier 1966 : oeil du cyclone Denise
- Février 1987 : oeil du cyclone Clotilda
- Janvier 1989 : oeil du cyclone Firinga
- Janvier 1993 : oeil du cyclone Colina
- Janvier 2024 : oeil du cyclone Belal
La Réunion étant une tête d’épingle à l’échelle de l’océan indien, elle a largement plus de chance d’être évitée par les cyclones que le contraire. Malgré cet état de fait, l’île est régulièrement impactée, directement ou indirectement, par ces phénomènes dépressionnaires tropicaux. Et à de rares fois, il arrive que l'œil du cyclone traversé directement l’île, le dernier en date étant celui de Belal.
Un parcours rendu chaotique par le relief de l’île
Au petit matin du 15 janvier, Belal effectue son approche finale. À cet instant, il ne fait guère de doute que l'œil va passer directement sur l’île. La traversée de l'œil ne sera pas un long fleuve tranquille, se faisant au gré du relief qui se dresse devant lui comme des obstacles.
Jusqu’à 10h, l'œil semble vouloir contourner La Réunion par le Nord, donnant l’impression d’éviter l’île. Mais peu après 10h, ce dernier entame un virage vers le Sud et à partir de 11h, il commence à longer la côte Est tout en se contractant.
À midi, l'œil est franchement entré sur l’île au niveau de Sainte-Anne. Entre midi et 13h, il se dirige vers le Sud-Est et ressort en mer au large de Sainte-Rose. Mais cette sortie ne signifie pas encore l’éloignement. L'œil effectue un nouveau virage vers le Sud, ce qui le fait longer la route des laves et circuler au large de Saint-Philippe.
Ce parcours tortueux et à faible vitesse sur l’île s’achève vers 16h. À cet instant, l'œil de Belal s’éloigne franchement en direction de l’Est, puis de l’Est Sud-Est.
Ce périple a été entravé par le relief de La Réunion. On peut voir que ce chemin fait d'ondulations épouse les contours du relief Nord, Est et Sud-Est de l’île. Ce type d’entrave est à chaque fois observé lorsque l'œil circule directement sur le département. Le cas du cyclone Clotilda est un des plus impressionnants, car fait de boucle et de va et vient à travers les cirques et le Nord-Est de l’île.
Le parcours de l'oeil du cyclone BELAL sur La Réunion - Météo France
Et le mur de l’oeil
Qui dit oeil dit mur de l'œil. Cet anneau de convection intense entourant la zone de calme centrale, concentre ce qu’il y a de pire au sein d’un cyclone. C’est là que se trouve le paroxysme avec pluie intense et vent les plus violents.
Puisque l'œil de Belal a directement traversé le Nord-Est et l’Est de l’île, le mur de l'œil a donc concerné une bonne partie de La Réunion. Dans ce contexte, les conditions cycloniques (vent supérieure à 150 km/h) ont impacté quasiment l’ensemble de l’île.
Sur le littoral Nord et Est, les rafales ont atteint par endroit les 170 km/h. Sur les hauts habités, notamment du côté de la plaine des Cafres, Météo-France a relevé une rafale de 172 km/h. Comme toujours, la palme de la valeur la plus élevée revient à la station du Maïdo avec 212 km/h, station située dans une zone avec effet d’accélération provoqué par la topologie du secteur.
À noter que les secteurs littoraux Sud-Ouest et Ouest ainsi que Cilaos ont été les plus épargnés. Les rafales n’y ont pas excédé les 130 km/h. Cette situation s’explique par le relief qui a permis de protéger certaines zones du département.
Confusion autour de l’accalmie
Qui dit oeil dit également zone de calme centrale. Ce phénomène est un des plus fascinant d’un cyclone. Trouver au cœur de la tourmente une sorte de havre de paix, est un événement très particulier à vivre. Surtout que cette accalmie survient de manière assez brutale.
Ainsi, suivant le parcours de l'œil, les régions Nord-Est, Est et une partie du Sud-Est ont vécu le calme de l'œil. Autrement dit, les zones littorales allant de Sainte-Marie à Saint-Philippe en passant par Saint-Benoît, ainsi que le massif du volcan, ont observé cette accalmie.
Généralement, le calme central est suivi d’une reprise brutale des hostilités, avec des vents soufflants en sens inverse, comme cela fut le cas avec COLINA en 1993. Pas cette fois-ci, dans la mesure où l’arrière de l'œil était nettement moins actif.
Enfin, certains internautes de l’Ouest et du Nord-Ouest ont cru vivre l’accalmie de l'œil. Chose qui n’était pas possible, puisque le calme central à circuler sur le Nord-Est, l’Est et le Sud-Est. Ces régions ont tout simplement profité de la protection du relief. comme le montre l’image ci-dessous.
La distribution des vents pendant BELAL perturbée par le relief de l'île. Ainsi, l'Ouest et le Nord-Ouest ont connu des périodes d'accalmie sans lien avec l'oeil du cyclone - Météo France
Un épisode marquant dans l’histoire cyclonique de l’île
BELAL entre donc dans la catégorie des cyclones marquants de l’histoire de La Réunion. Le simple fait que l'œil ait directement circulé sur l’île, en fait un événement qui restera dans la postérité. De plus, l’influence météorologique en termes de rafales, de précipitations et de houle cyclonique, mais aussi le fait que ce cyclone soit le plus coûteux après DINA, place BELAL dans la catégorie des cyclones ayant fortement impacté l’île.
Tout ceci justifie amplement pourquoi les services de Météo-France ont au cours de cet épisode mis en garde contre un risque cyclonique majeur pour l’île. Rappelons que les prévisions proposaient l’impact d’un cyclone intense. Heureusement, ce stade n’a pas été atteint, sans quoi, l’impact aurait été encore plus dévastateur.